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Histoires...
16 février 2010

Lila

Il était une fois, une petite fille qui s'appelait Lila. Enfant de la nature, belle et éclatante comme la lumière, elle vivait dans une vaste forêt de peupliers, au-delà du Mont Elbrouz.
Lila aimait les arbres avec passion mais sérénité. Grands et majestueux, ils n'imposaient, cependant, jamais leur présence à son tendre regard, laissant entrer le ciel et ses couleurs. Quelquefois, lors de belles journées, ces géants de bois laissaient un étroit chemin entre leurs branches pour laisser passer les petits rayons farceurs du Soleil.

Lila n'avait jamais quitté sa forêt. A la princesse des lieux, animaux et végétaux montraient un grand respect. Les fleurs se courbaient sur son passage et les petits animaux rieurs se dérobaient pour ne pas l'offenser de leur présence, la remerciant ainsi de ses bienfaits. Lila était satisfaite et pensait que le malheur ne pourrait jamais gâcher la quiétude de son royaume. Elle imaginait, volontiers, que « tout » avait été conçu, réfléchi, calculé pour ne heurter ni le monde, ni la nature, ni les êtres… Elle travaillait ainsi chaque jour à préserver ce paradis et cela depuis des siècles.

Un soir de grand vent, tout bascula et Lila tomba très malade, combattant avec difficulté une fièvre d’une extrême violence. Pour une raison inconnue de Lila, le sort méprisant et vindicatif s'acharna sur elle, l’accablant de mille maux et d’obscurs sentiments. La peur se lisait dans les yeux de la douce Lila. L'idée de la souffrance et celle de la mort lui sautèrent férocement au cœur et devinrent une bien étrange réalité.

Les heures passèrent lentement. Ombres, fantômes et autres soldats de l'angoisse se chargèrent d'amasser sur la poitrine de Lila plus de tourments, encore quelques supplices et d’avantage d'effrois. La douceur de la vie laissa place aux sentiments des Hommes, de ceux qui vivent par delà les forêts et les montagnes. Elle ressentit d’abord la cruauté, la peur, la peine, la solitude. Elle découvrit ensuite l'inquiétude puis l’obsession. Les émotions des hommes, tous leurs sentiments, traversèrent son corps d'enfant, s’insinuant, poignard en avant, dans sa gorge pour déchirer tout aussi violemment sa poitrine ou sa cuisse. Barbaries, cruautés, malveillances...tous les maux de la Terre transperçaient, de part en part, l'enfant qui se laissa tomber, enfin, comme pour se réfugier, dans l'inconscience.

Aux premières lueurs du soleil, Lila, à bout de force, gisait sur un sol glacé. Ses yeux s'ouvrirent avec peine sur une forêt devenue inquiétante. Les peupliers la menaçaient, à présent, de leur regard malfaisant, ne laissant plus passer les petits rayons lumineux et farceurs, mais les lames foudroyantes d'un soleil agonisant.

Soudain, une terrible angoisse se saisit violemment du cœur de Lila, serrant de toutes ses forces jusqu'à la douleur physique. Lila se figea, pendant des heures, tremblante et cherchant son souffle. Sa gorge se comprima, ne laissant entrer que le filet d'air qui servait à la vie.

Plusieurs jours après cette expérience, Lila ne s'alimenta pas. Les deux mains sur sa gorge, elle patienta, cherchant le repos du corps et de l'esprit. Les yeux fixés sur le néant, elle attendait la métamorphose complète de son âme et la fin du supplice identique aux afflictions supportées par Prométhée. Ni le soleil, ni la lune ne lui avaient prédit son humanisation soudaine. Ni son père, ni sa mère ne lui avaient parlé de la vie des « grands ».

Plusieurs années après cette nuit, Lila devint ce qu'elle est encore aujourd'hui. Ce que nous sommes tous. La belle et douce Lila comprit, alors, l'essence de la vie des hommes. L'inanité.

Ainsi, Lila, parmi les autres esprits du monde, patientera ainsi jusqu'à la fin.


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