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Histoires...
19 février 2010

Sociologie : la théorie du Monospace

Ils sont heureux. Ils sourient. Ils sont unis. La publicité du Monospace est LA pub qui fait rêver. C’est sur ce schéma que 99,99 % (environ bien sûr) des êtres humains souhaitent construire leur vie.

Chez Mila, cette théorie fonctionne parfaitement: petite fille d’immigrés, parents divorcés à peine mariés (la réflexion Monsieur Duss ! La RE-FLE-XION avant l’action).

Mila, abreuvée de télévision pendant de longues années (autrement dit « en longue peine »), visualise très bien sa future vie à travers les yeux de cette jeune femme de 26 ans (en réalité) avec ses cinq merveilleux enfants, son chien Polux, sa pelouse synthétique, sa porte de garage automatisée (qui peut le moins peut Aussi ne rien faire du tout).

La télévision créée un divertissement, un rêve mais malgré tout une certaine dépendance au besoin de « se vider la tête » (qui se vide la tête peut aussi ne rien récupérer).

Mais revenons à Mila, plantée devant la télévision. Elle regarde pendant une trentaine de secondes, plusieurs fois par mois, « Pamy et Fred » nageant dans le bonheur absolu car heureux propriétaire de LA voiture IN-CON-TOUR-NA-BLE. L’objet qui donne un sens à toute leur vie.

Le monospace est le reflet d’une réussite sociale, d'une capacité à concilier travail, famille, loisirs, (patrie ?) pour une somme « dérisoire ». Le monospace est de toute évidence le symbole du bonheur, représentation concrète de cette notion abstraite, ce qui met fin à plusieurs siècles de réflexions.

Il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Combien de personnes ont « une tête à rouler avec le dernier* monospace » dans votre entreprise, devant la crèche, près l’école ? Combien ? Dites un chiffres…

La théorie du monospace est basée sur la capacité de croire que la perfection** pourrait avoir un quelconque rapport avec le bonheur. Si les mots font toujours référence à nos propres connaissances et notre propre histoire (et à un peu de matraquage, soyons honnêtes), le terme « monospace » évoque l’idée que le bonheur (que l’on peut aisément lire sur le visage de Pamy et Fred) découle d'une évidence : pour être heureux, il faut devenir parfait.

Pamy, par exemple, est une femme indépendante qui a un emploi du temps très chargé et qui a besoin d'être totalement mobile. Mais Pamy est aussi en totale adéquation avec sa maternité et gère sa vie de mère à la perfection avec pas moins de deux enfants car le bonheur passe par « pas moins de deux enfants ». Enfin et malgré toutes ces contraintes Pamy prend le temps d’embrasser Fred car elle l’aime.

L'autre point indéniable de cette philosophie repose sur le fait que si Pamy souhaite être heureuse, elle doit faire des jaloux. On verra toujours un voisin envieux, ou une mamie médisante, pestant devant tant de bonheur. Oui. Le bonheur est plus qu’un schéma de vie « monospacien » : il doit être méprisant pour être complet.

Mais concrètement que souhaitent les philosophes de l’automobile pour leurs contemporains ? Pamy et Fred sont heureux et pour être heureuse Mila doit absolument devenir « ça ». Mais Mila ne sait pas quelle réalité se cache derrière la vie parfaite de Pamy et Fred. Je ne sais pas non plus qu’elle est cette réalité et, a fortiori, il n’y a pas une seule réalité.

Malgré tout, la réalité des familles « monospaciennes » est bien plus concrète et Mila, aka la ménagère de moins de 50 ans, doit affronter certaines réalités et se poser, qui plus est, certaines questions primordiales :

  • Dois-je faire un enfant ? Oui / non

  • Dois-je allaiter ? Oui / non

  • Dois-je faire un second enfant ? Maintenant / tout de suite

  • Dois-je acheter un lave-vaisselle ? Oui / non

  • Dois-je prendre un amant ? Oui / non

  • Dois-je encore supporter cet homme horrible qui me pourrit la vie en m’obligeant à vendre une voiture pour faire des économies ? Oui / arrête ta comédie

Monsieur X, aka Fred, doit lui aussi gérer ses propres préoccupations :

  • Dois-je racheter un monospace tous les deux ans et profiter ainsi d'une remise intéressante ? Oui / non

  • Dois chercher du travail/changer de travail ? Oui / possible

  • Dois-je quitter ma femme pour ma maîtresse ? Oui / non

  • Est-ce immoral d’avoir envie d’être avec une jeune fille belle, jeune… et belle et de ne plus vouloir supporter cette femme avec qui j’ai partagé ma vie, mes douleurs, mes bonheurs mais qui a tout de même prit un peu des hanches ? Non car je ne suis qu’un homme / euh...! Je vais laver ma voiture et en profiter pour arroser les fleurs, la boite aux lettres et le macadam.

Et les enfants me direz-vous ? Ils sont un concept. On a envie de les avoir, on est content de les avoir mais quand on les a, on remarque qu’ils sont souvent source de problèmes, de soucis, de tracas (petits-petits soucis, grands-prison voire drogue). De plus, ils ne veulent pas éternellement qu’on décide à leur place ; ils ne comprennent pas que les parents savent et qu’eux ne savent rien. Quels ingrats !

Pour finir, revenons sur le devenir de Mila et de l’autre, aka Monsieur X. Le monospace changé et les énigmes existentielles résolues, si Mila, aka Pamy, se borne à vivre comme dans la pub, elle risque de se faire dévorer toute crue par 90% de son entourage et prendra, sans aucun doute, un amant (le pharmacien, le facteur, un collègue). Dans un déroulement logique mais à sa grande surprise, elle verra son monde s’écrouler dès lors que ses « bébés » partiront et qu'elle se retrouvera en face à face régulier avec le faux Fred.

Pour maintenir la famille unie, Mila fera tout son possible pour garder des contacts hebdomadaires voire quotidiens avec SES enfants et usera de TOUS les moyens pour préserver l’esprit de famille (pression psychologique, chantage affectif, menace de mort…).

Mila accouchera de beaucoup d’enfants pour trouver un sens à sa vie pendant au moins 23 ans mais sera déçue de constater qu'on ne meurt pas aussitôt après leur départ.

Monsieur X, aka l’autre, n’aura quant à lui, quasiment aucun rapport avec ses enfants dès le lendemain de leur treizième anniversaire. En effet, depuis la nuit des temps, le père est un être sans émotion et qui dévoile son amour toujours trop tard en articulant à peine 10 mots tous les 6 ans.

Malgré la résonance de ces syllabes dans le cœur de ses enfants, comparable au sentiment de candeur ressenti par Moïse devant le charbon ardent, cette suite de lettres n’aura objectivement qu’une profondeur très limitée.

Plus tard, devant un pastis après l’enterrement de celui que les voisins pensaient muet, le jeune homme, divorcé deux fois, dira d’une voix à demi pleine d’émotion : «Papa s’était pas un bavard mais quand il disait un truc ça me touchait. – Et moi ? – Bon sang ! Toi t’es toujours là en train de couiner. Tu parles pour rien dire. C’est de ta faute si j’ai divorcé. Putain, je l’aimais Laura et je m’en foutais qu’elle puisse pas me donner des gosses. Et maintenant, j’ai quoi ? Tu peux me dire ? Allez, je me casse. Je comprends pourquoi papa a pété les plombs à 40 ans».

Première moralité : il faut être prudent lorsqu'on rencontre une personne « avec une tête à rouler avec le dernier monospace ». Elle n’est pas forcément heureuse et pourrait même avoir développé le second TOC du bonheur : la satisfaction pathologique de rendre les autres jaloux.

Seconde moralité : pour ne pas risquer de vous retrouver dans ces situations contre-productives et désespérantes, roulez en Twingo !

Troisième moralité : c’est beau la vie mais on ne sait juste pas quoi en faire…enjoy !!!

* Seuls les sous-heureux et les personnes âgées roulent avec des versions de monospace plus anciennes.

** Notion si affreusement subjective que nous prendront pour parfait tout ce qui se trouve dans une publicité pour les (derniers) monospaces.

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Commentaires
B
woué c'est acide à souhait et über frontal. Mais me refuse à lire entre les lignes.<br /> J'ai lu en souriant et en serrant les dents avec un rictus sur la commissure gauche de mes lèvres: j'ai bon.<br /> T'façon mon avis compte peu car j'aime à te lire donc c'est peu objectif<br /> <br /> bises
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